
Les grandes dynasties du Maroc : une histoire de pouvoir, de culture et de création
L’histoire du Maroc est un entrelacs de royaumes, de savoir-faire, de religions et de peuples. Elle s’est forgée à travers plusieurs dynasties qui, chacune à sa manière, ont marqué le territoire et laissé une empreinte dans la pierre, dans les manuscrits, et dans les mains des artisans. Comprendre ces dynasties, c’est mieux saisir l’âme du pays – et notamment de villes comme Fès, Marrakech ou Meknès, toutes façonnées par leur passage.
HISTOIRE DE FES : Fondation et développement
Les Idrissides (789–974) : les fondateurs
La première dynastie musulmane du Maroc est fondée par Idriss Ier, descendant du prophète Mohammed, réfugié au nord du Maroc.
Fès a été fondée en 789 par Idriss Ier, pour établir une capitale stable et centrale au Maroc. Il choisit la rive droite de l’oued Fès pour sa localisation stratégique entre le nord fertile et les routes commerciales transsahariennes. Cette décision visait à consolider la domination Idrisside tout en ancrant un État fondé sur l’islam.
En 809, son fils Idriss II agrandit la ville en établissant une colonie sur la rive gauche de la rivière, où il fonda ce qui allait devenir le quartier de Kairouan.
Ce double développement a permis à Fès de se distinguer rapidement en tant que centre de pouvoir et de spiritualité, attirant des populations diversifiées telles que des réfugiés andalous en 818 et des exilés de Kairouan en 824.


MOYEN ÂGE : L'épanouissement intellectuel et spirituel
Au IXe siècle, Fès s’est affirmée comme un pôle éducatif grâce à l’université Al Quaraouiyine.
Le nom de l’université historique de Fès est souvent transcrit sous différentes formes : Al Quaraouiyine, Al Karaouine ou encore Al Qarawiyyin, en raison des variations de translittération de l’arabe الفاطمية القرويين (Al-Qarawiyyīn). Ces variantes dépendent des systèmes utilisés pour transcrire les sons arabes dans les langues européennes.
Le nom « Karaouine » ou « Quaraouiyine » fait référence aux habitants de Kairouan (actuelle Tunisie), car cette institution a été fondée en 859 par Fatima Al-Fihri, une femme originaire de cette ville et surtout un femme visionnaire. C’est l’une des universités les plus anciennes du monde, reconnue à la fois pour son rôle éducatif et pour sa fonction religieuse.
La transcription exacte dépend donc du contexte linguistique (français, anglais ou autre) et du système utilisé, mais toutes les variantes désignent la même institution prestigieuse.
Cette institution a non seulement servi de centre théologique mais a également influencé les sciences et les arts dans tout le monde islamique.
La ville est devenue un creuset de cultures, avec des Arabes, des Berbères, des Juifs et des musulmans andalous vivant côte à côte dans une prospérité relative
Sous les dynasties almoravides (XIe siècle) et almohades (XIIe siècle), Fès s’est dotée de monuments somptueux, de mosquées et de bibliothèques qui ont renforcé son statut. Cependant, la rivalité entre ces dynasties a parfois entraîné des périodes de déclin, marquées par des conflits internes et des destructions

L'ÂGE D'OR SOUS LES MERINIDES
Les Mérinides (1244–1465) : la splendeur fassie
Originaires du Maroc oriental, les Mérinides établissent leur capitale à Fès. Ils font de la ville un haut lieu d’érudition, d’artisanat et de spiritualité. Ils construisent de nombreuses madrassas, embellissent les souks, et valorisent les corporations d’artisans.
Les Mérinides, au pouvoir dès le XIIIe siècle, ont fait de Fès une capitale artistique et architecturale. Ils ont construit Fès el-Jdid, abritant des palais royaux, et renforcé les remparts de la ville pour protéger les quartiers commerciaux. Les médersas (écoles coraniques), telles que la Médersa Bou Inania, témoignent de leur engagement envers l’éducation et la diffusion des savoirs religieux
Le rôle de Fès en tant que centre de commerce a également été renforcé par ses souks dynamiques, où se mêlaient artisanat, textiles et produits d’importation, créant une économie florissante qui attirait les commerçants de tout le bassin méditerranéen.
Héritage : Âge d’or de Fès. Apogée du zellige, du cuir, de la dinanderie. L’université Al Quaraouiyine rayonne dans tout le monde islamique.


PERIODES WATTASSIDES ET SAADIENNES
Fès a perdu de son prestige avec l’arrivée des Wattassides au XVe siècle, puis des Saadiens au XVIe siècle, lorsque Marrakech est devenue la capitale.
Arrivée des Wattassides (1472-1549) : Les Wattassides, une dynastie berbère, ont pris le pouvoir après la chute des Mérinides. Bien que cette période ait marqué une transition importante, elle a été marquée par des conflits internes et une instabilité politique. Fès, bien que restant une ville importante, a commencé à perdre de son influence politique et économique face à d’autres centres de pouvoir.
Arrivée des Saadiens (1549-1659) : Les Saadiens, une dynastie arabe, ont pris le pouvoir en 1549 après avoir vaincu les Wattassides. Ils ont déplacé la capitale à Marrakech, ce qui a encore réduit le rôle de Fès en tant que centre politique du Maroc. Sous les Saadiens, Marrakech a prospéré et est devenue le nouveau centre de l’empire marocain, tandis que Fès a continué à décliner.
Cependant, elle est restée un refuge pour les intellectuels, notamment après la chute de Grenade en 1492, qui a entraîné un afflux de musulmans et de juifs expulsés d’Espagne.

Un séisme en 1522 a gravement endommagé la ville, marquant le début d’une période difficile.
Les efforts des Saadiens pour stabiliser la région se sont heurtés à des guerres internes, réduisant l’influence de Fès sur la scène marocaine.
Entre le séisme de 1522 et la mise en place du protectorat français en 1912, le Maroc a traversé plusieurs périodes marquées par des changements politiques, économiques et sociaux.

Voici un aperçu des évènements majeurs :
- Dynastie des Saadiens (1549-1659).
- Dynastie des Alaouites (depuis 1666) : En 1666, la dynastie des Alaouites a pris le pouvoir et continue à régner jusqu’à aujourd’hui. Cette période a vu des conflits internes et des luttes de pouvoir, mais aussi des efforts pour moderniser le pays.
- Colonisation européenne : À partir du XIXe siècle, plusieurs puissances européennes, notamment la France et l’Espagne, ont commencé à s’intéresser au Maroc. En 1904, la France et l’Espagne ont signé le traité de Paris, divisant le Maroc en zones d’influence.
- Conférence d’Algésiras (1906) : Cette conférence a placé le Maroc sous la tutelle des puissances européennes et a conduit à l’occupation de plusieurs villes par les Français.
- Traité de Fès (1912) : Le 30 mars 1912, le traité de Fès a établi un protectorat français sur le Maroc. Le sultan Moulay Hafid a abdiqué en faveur de son frère Moulay Youssef, et le général Lyautey a été nommé résident général du Maroc.
Ces événements ont façonné l’histoire du Maroc et ont conduit à l’établissement du protectorat français, qui a duré jusqu’à l’indépendance du Maroc en 1956.
EPOQUE MODERNE: Protectorat français et urbanisme
Avec l’établissement du protectorat français en 1912, Fès a été reléguée à un rôle secondaire derrière Rabat, la nouvelle capitale administrative. Les Français ont introduit des innovations urbanistiques en créant Fès-nouvelle, une ville moderne séparée de la médina historique: « La ville nouvelle ».
Ce développement reflétait des politiques coloniales visant à séparer les élites européennes des populations locales, tout en préservant l’authenticité perçue de la médina pour les touristes.


AUJOURD'HUI : Fès, Patrimoine Vivant
Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1981, la médina de Fès est aujourd’hui un exemple vivant de l’histoire marocaine. Elle conserve ses traditions artisanales, notamment dans la fabrication de textiles, de poteries et de luminaires en bronze. Fès attire des visiteurs du monde entier, séduits par ses monuments emblématiques comme la porte Bab Boujloud, et sa culture vibrante
L’histoire de Fès témoigne d’une résilience remarquable, évoluant à travers des dynasties, des conquêtes et des bouleversements pour devenir une capitale spirituelle et culturelle du Maroc.
Ses racines profondes dans l’islam, son rôle dans l’éducation et l’artisanat, ainsi que ses connexions internationales.
L’artisanat, fil rouge des dynasties.
À travers chaque dynastie, les savoir-faire artisanaux ont été :
Encouragés par le pouvoir (commandes royales, mécénat, constructions monumentales).
Codifiés par des corporations (maâlems, apprentis, guildes).
Transmis au sein des familles d’artisans.
Aujourd’hui encore, quand vous entrez dans un atelier de céramique à Fès, vous touchez à une mémoire vivante. Une technique ancienne mais jamais figée. Un patrimoine mobile, qui continue de se transformer doucement au rythme du geste.

Pour aller plus loin
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Cette vidéo n’a pas été produite par L’E-CHOPPE. Elle est partagée ici à titre informatif.
Sources
UNESCO : https://whc.unesco.org/fr/list/170
Yahiaoui, Fatima. Fès, la Mémoire du Maroc, ed. Marsam, 2018.
France Culture, émission « Les villes-mondes : Fès », 2021.
Fondation du Patrimoine de Fès : http://www.fes-patrimoine.org
France 24, reportage vidéo : « Fès, l’âme de l’artisanat marocain », 2022.
Abun-Nasr, Jamil M. A History of the Maghrib in the Islamic Period, Cambridge University Press, 1987
Musée Dar Batha (Fès) et Musée Mohammed VI (Rabat)
HCP Maroc – Chronologie historique du Maroc
Institut du Monde Arabe – expositions sur le Maroc